Frédéric Taddei, Ce Soir ou Jamais, émission du 9 mai 2011.
Il avait fallu à l’Europe bien autre chose que ses crises économiques pour qu’elle se lance au XXe siècle dans deux guerres successives d’échelle mondiale. L’anxiété des classes supérieures au lendemain de l’effondrement des croyances religieuses, l’émergence de nationalismes de substitution hystériques, d’idéologies d’extrême gauche et d’extrême droite très violentes furent les ressorts fondamentaux de la guerre. Ces éléments idéologiques et pour ainsi dire psychiatriques, s’ils peuvent être intégrés comme le capitalisme à une analyse de la montée de l’individualisme, étaient logiquement indépendants des variables économiques. Si nous voulons évaluer le risque de guerre en ce début de IIIe millénaire, nous devons donc aussi examiner le champ idéologique et psychologique, en particulier l’état mental des classes privilégiées (on n’ose plus dire supérieures ou dirigeantes compte tenu de leurs performances). Cet examen médical donne, au moins à court terme, des résultats rassurants. Le narcissisme, l’hédonisme et le vieillissement ne mènent pas à l’affrontement violent des nations et des peuples. Certes, la sympathique idéologie mondialiste qui prédomine encore laisse apparaître de larges fuites xénophobes, ou plus spécifiquement islamophobes. Mais le bouc émissaire désigné à la vindicte des populations dont le niveau de vie va diminuer a été soigneusement choisi à l’extérieur du monde des rapports de forces économiques réels. Les musulmans constituent en Europe des minorités socialement dominées et leurs États sont, avec les exceptions de la Turquie et de l’Iran, faibles, militairement et économiquement. Le monde musulman est depuis une décennie victime d’agressions militaires qui ne relèvent pas, par définition, de la prospective mais de l’histoire récente. Une attaque contre l’Iran signifierait certes un changement d’échelle, et effectivement le passage à une violence qui engagerait vraiment les pays occidentaux dans la guerre, avec une possibilité de dérapage mondial. Nous n’en sommes pas là, ni pour le déclenchement ni pour le dérapage.
Il avait fallu à l’Europe bien autre chose que ses crises économiques pour qu’elle se lance au XXe siècle dans deux guerres successives d’échelle mondiale. L’anxiété des classes supérieures au lendemain de l’effondrement des croyances religieuses, l’émergence de nationalismes de substitution hystériques, d’idéologies d’extrême gauche et d’extrême droite très violentes furent les ressorts fondamentaux de la guerre. Ces éléments idéologiques et pour ainsi dire psychiatriques, s’ils peuvent être intégrés comme le capitalisme à une analyse de la montée de l’individualisme, étaient logiquement indépendants des variables économiques. Si nous voulons évaluer le risque de guerre en ce début de IIIe millénaire, nous devons donc aussi examiner le champ idéologique et psychologique, en particulier l’état mental des classes privilégiées (on n’ose plus dire supérieures ou dirigeantes compte tenu de leurs performances). Cet examen médical donne, au moins à court terme, des résultats rassurants. Le narcissisme, l’hédonisme et le vieillissement ne mènent pas à l’affrontement violent des nations et des peuples. Certes, la sympathique idéologie mondialiste qui prédomine encore laisse apparaître de larges fuites xénophobes, ou plus spécifiquement islamophobes. Mais le bouc émissaire désigné à la vindicte des populations dont le niveau de vie va diminuer a été soigneusement choisi à l’extérieur du monde des rapports de forces économiques réels. Les musulmans constituent en Europe des minorités socialement dominées et leurs États sont, avec les exceptions de la Turquie et de l’Iran, faibles, militairement et économiquement. Le monde musulman est depuis une décennie victime d’agressions militaires qui ne relèvent pas, par définition, de la prospective mais de l’histoire récente. Une attaque contre l’Iran signifierait certes un changement d’échelle, et effectivement le passage à une violence qui engagerait vraiment les pays occidentaux dans la guerre, avec une possibilité de dérapage mondial. Nous n’en sommes pas là, ni pour le déclenchement ni pour le dérapage.
Ce qui caractérise les classes privilégiées occidentales c’est, pour le moment, l’indécision, l’incapacité à engager leurs sociétés dans un projet collectif quelconque. C’est la raison pour laquelle elles sont incapables de défendre leurs systèmes industriels par le protectionnisme économique. Mais une vraie guerre est aussi un projet collectif, absurde certes, mais collectif. L’asthénie dirigeante, qui empêche la conception et la mise en place d’un capitalisme dynamisé par la régulation, nous met sans doute aussi pour un temps à l’abri de la guerre.
Voir également ici.
Voir également ici.
Emmanuel Todd, La Guerre Économique contre la Guerre tout Court in Le Débat, n°162, 2010, p.189-190.
Merci à M.S.
Merci à M.S.