vendredi 13 avril 2012

Pis Aller.

Luis Buñuel, La Voie Lactée, 1969

Il est vrai qu'il est difficile d'initier le lecteur à l'usage vivant d'un mot par la voie de l'écrit. En la matière, rien ne vaut une conversation. Elle permet de s'accorder peu à peu sur le sens que l'on donne au mot, en évoquant les expériences auxquelles il renvoie et les associations d'idées qu'il suscite, en écartant une à une les associations erronées qui surgissent. Cette recherche commune de la compréhension est irremplaçable. L'écriture ne sera jamais qu'un pis-aller, source d'approximations et de malentendus. C'est ce qui justifie la méfiance que Platon éprouvait à son encontre. On voit trop souvent ce qui arrive quand l'écrit cesse d'être développé et corrigé par l'usage de la parole. Chacun se coiffe de mots qu'il comprend à sa façon ou ne comprend pas du tout, et parade comme les pauvres hères de Jérôme Bosch, le chef couvert qui d'un entonnoir, qui d'une baratte à beurre (1).

Notes.

1. Comme j'avais fait une remarque sur cette importance de la conversation durant le colloque, un collègue allemand m'a demandé pourquoi j'écrivais. Il y a trois raisons lui ai-je répondu : parce que l'écriture m'oblige à clarifier ma pensée, qu'elle permet de la conserver pour un usage futur et qu'elle fournit une base à la conversation.

Jean François Billeter, Notes sur Tchouang-Tseu et la Philosophie, Éditions Allia, 2010, p.23-24.

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