Internationale Lettriste, Construisez vous-même une petite situation sans avenir, 1955. |
Pour Debord, le jeu consiste, en lisant les textes anciens, à sentir les affinités, les analogies avec les phénomènes du temps présent qu'il cherche à analyser. Une fois repérées les phrases qui pourraient être propices à un usage détourné actualisant leur contenu de vérité, il est possible de procéder au transfert en modifiant simplement les termes qui gênent le rapprochement. Les fiches de lectures sont le laboratoire de ces expérimentations sur un matériau discursif hétérogène (...) Debord prend ainsi l'habitude de lire chaque texte comme un gisement potentiel de formules à transformer, au point qu'on peut voir le détournement devenir chez lui quasiment une méthode de pensée, et non plus seulement une technique d'écriture. Il y a là, en effet, un travail de composition non seulement des fragments détournés au sein de l'énoncé théorique, mais aussi de la théorie elle-même dans son ensemble, qui mêle des propositions venues d'univers intellectuels fort différents (...) C'est cette construction de la théorie en artiste, Debord choisissant librement de s'inspirer de tel ou tel auteur, en transposant les procédés du collage et du montage qu'il a abondamment pratiqué par ailleurs, qui explique qu'il n'ait jamais réellement appartenu à quelque courant idéologique que ce soit.
Patrick Marcolini, La Méthode Debord in Guy Debord, Un Art de la Guerre, Éditions Bibliothèque Nationale de France - Gallimard, 2013, p.33-34.
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