vendredi 3 février 2012

Décrire & Expliquer.

Dennis Wojtkiewicz, Rosette Series #15, 2012.

Je vous l’ai dit, notre business, ce sont les descriptions. Tous les autres font du trafic de clichés. Nous, en sciences sociales, par enquêtes, par sondages, par dépouillement d’archives, par des documentaires, etc., on y va, on écoute, on apprend, on pratique, on devient compétent, on modifie nos conceptions. C’est vraiment très simple : ça s’appelle le travail de terrain. Un bon travail de terrain produit toujours de nombreuses descriptions nouvelles.

(...)

Je dirais que si votre description a besoin d’une explication, ce n’est pas une bonne description, voilà tout. Seules les mauvaises descriptions ont besoin d’une explication. C’est vraiment très simple. En quoi consiste une "explication", le plus souvent ? À ajouter un acteur afin d’apporter aux acteurs déjà décrits l’énergie nécessaire qui lui manque pour agir. Mais si vous avez ainsi besoin de rajouter un acteur, c’est que votre réseau n’était pas complet, et si les acteurs déjà assemblés n’ont pas assez d’énergie pour agir, alors ce ne sont pas des "acteurs", des médiateurs, mais plutôt des intermédiaires, des dupes, des marionnettes. Ils ne font rien, donc ils ne devraient pas figurer dans la description. Je n’ai jamais vu une bonne description qui aurait ensuite besoin d’une explication. En revanche, j’ai lu un grand nombre de mauvaises descriptions auxquelles une addition massive d’"explications" n’a rien ajouté. Et là, l’ANT n’est d’aucun secours...

Bruno Latour, Comment Finir une Thèse de Sociologie, Petit Dialogue entre un Étudiant et un Professeur (Quelque peu Socratique) in Revue du MAUSS, n°24, 2004, p.160-161.

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