Anne Horel, Content pour Rien, 2011 (via Anne Horel).
L'ironiste ne veut pas être profond: l'ironiste ne veut pas adhérer, ni peser, mais il touche le pathos d'une tangence infiniment légère, et quasi impondérables; amoureux, il n'aime qu'avec une petite portion de son âme, comme Fontenelle; quand il se fâche, c'est pour ainsi dire du bout des lèvres; et quand il regarde, c'est à la manière d'Erik Satie, "du bout des yeux"! Il badine avec tous les sentiments, mais n'insiste jamais; parce que sa conscience s'articule en délicate allusions, elle ne peut être que superficielle et elle a la coquetterie de la frivolité: elle appelle cela politesse, bon goût ou comme on voudra. Qui trop embrasse, mal étreint... mais la conscience ironique ne désire pas étreindre: elle préfère papilloner d'anecdote en anecdote, de plaisir en plaisir, et goûter de tout sans se poser nulle part; elle sait la préface de toutes les passions; mais la préface seulement, car elle part toujours avant la fin: l'amour ironique, par exemple, est un éternel avant-propos, et qui joue avec les préliminaires sans s'engager à fond et qui évite l'appassionato.
Vladimir Jankélévitch, L'Ironie, Editions Flammarion, 1936 (1999), p.33-34.
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