jeudi 26 mai 2011

Perpétuelle Involution.


Agnès Varda, Sans Toit ni Loi, 1985.

Dans le devenir, il n'y a pas de passé ni d'avenir, ni même de présent, il n'y a pas d'histoire. Dans le devenir il s'agit d'involuer: ce n'est ni régresser, ni progresser. Devenir, c'est devenir de plus en plus sobre, de plus en plus simple, devenir de plus en plus désert et par la même peuplé. C'est cela qui est difficile à expliquer: à quel point involuer, c'est évidemment le contraire d'évoluer, mais c'est aussi le contraire de régresser, revenir à une enfance, ou à un monde primitif. Involuer c'est avoir une marche de plus en plus simple, économe, sobre.

(...)

Si les animaux inventent leurs formes et leurs fonctions, ce n'est pas toujours en évoluant, en se développant, ni en régressant comme dans le cas de la prématuration, mais en perdant, en abandonnant, en réduisant, en simplifiant, quitte à créer les nouveaux éléments et les nouveaux rapports de cette simplification. L'expérimentation est involutive, le contraire de l'overdose. C'est vrai aussi de l'écriture : arriver à cette sobriété, cette simplicité qui n'est ni la fin ni le début de quelque chose. Involuer c'est être "entre", au milieu, adjacent. Les personnages de Beckett sont en perpétuelle involution, toujours au milieu d'un chemin, déjà en route.

Gilles Deleuze & Claire Parnet, Dialogues, Éditions Flammarion, 1977 (1996), p.37-38.

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