Hiroshi Ishiguro, Géminoïde, 2008.
La cybernétique, une discipline scientifique des plus précieuses "fondée" récemment par Norbert Wiener, a relevé des comparaisons fort justes entre le comportement des machines et celui des hommes, dans l'idée qu'une étude des machines pourrait fournir de précieux aperçus sur la nature de notre propre comportement. En étudiant les défaillances d'une machine - par exemple, deux tropismes distincts fonctionnant simultanément dans l'une des cyber-tortues de Grey Walter, produisant chez les animaux, soudain déboussolés, un comportement d'une complexité fascinante -, on découvre peut-être quelque chose de neuf et de prometteur sur ce qu'on a coutume d'appeler un comportement "névrotique" chez les humains. Mais admettons qu'on veuille inverser l'analogie. Supposons - et je ne crois pas que Wiener ait anticipé cette possibilité -, supposons qu'une étude de nous-mêmes, de notre nature, nous permette d'en savoir plus sur le fonctionnement désormais extraordinairement complexes des constructions mécaniques et électroniques. Autrement dit - et c'est là où je veux en venir -, il nous est à présent possible d'étudier le milieu externe artificiel qui nous entoure - comment il se comporte, pourquoi se comporte-t-il ainsi, ce qui se passe en lui -, en le considérant dans un rapport analogique avec ce que nous savons de nous-mêmes.
Disons que les machines deviennent de plus en plus humaines, au moins au sens où Wiener l'entend, en cela qu'on peut établir des comparaisons pertinentes entre leur comportement et le comportement humain. Pourtant, ce que nous connaissons le plus immédiatement et le mieux, est-ce vraiment nous-mêmes ? Plutôt que d'en savoir plus sur nous-mêmes en étudiant nos constructions, ne vaudrait-il pas mieux essayer de comprendre ce qui se passe à l'intérieur de nos constructions en examinant ce qui se passe à l'intérieur de nous-mêmes ?
Philip K. Dick, Androïde contre Humain in Si Ce Monde Vous Déplaît et Autres Écrits, Éditions de l'Éclat, 1972 (1998), p.21-22.
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