Alex Prager, Susie and Friends, 2008. |
La Fête.
Le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort; autrement dit, de nous transformer en animaux. C'est pourquoi le primitif a un sens de la fête très développé. Une bonne flambée de plantes hallucinogènes, trois tambourins et le tour est joué: un rien l'amuse. A l'opposé, l'Occidental moyen n'aboutit à une extase insuffisante qu'à l'issue de raves interminables dont il ressort sourd et drogué: il n'a pas du tout le sens de la fête. Profondément conscient de lui-même, radicalement étranger aux autres, terrorisé par l'idée de la mort, il est bien incapable d'accéder à une quelconque exaltation. Cependant, il s'obstine. La perte de sa condition animale l'attriste, il en conçoit honte et dépit; il aimerait être un fêtard, ou du moins passer pour tel. Il est dans une sale situation.
Michel Houellebecq, Interventions 2, Éditions Flammarion, 2009, p.85.
Initialement paru dans le magazine 20 ans en 1996, puis dans le recueil Rester Vivant et Autres Textes, Éditions Librio, 1999.
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