samedi 2 juillet 2011

Recherche Formelle.

That Game Company, Journey, 2011.

L'art contemporain pris dans son ensemble est un désastre d'une platitude lunaire. Expression totalitaire du moi, alors que tout "artiste" doit avant tout, comme le savait Georg Trakl, être parfaitement impersonnel. Cette flatulence des ego hypertrophiés conduit à une pauvreté plastique sans nom et à une étroitesse métaphysique qui ferait passer pour ambitieux un programme politique socio-démocrate, bref à une catastrophe générale du mauvais goût pour tous et par tous.

Aujourd'hui la "cyberculture", ou dit autrement "l'univers professionnel du multimédia et des arts électroniques", est le dernier espace que la vacuité de l'art contemporain démocratique vient de brutalement dépressuriser. En l'espace de quelques années, une décennie tout au plus, celle qui vient de s'écouler, une armada de petits malins et de médiocres professeurs s'est emparée du projet esthétique et épistémologique initial pour en faire de grosses machine bureaucratiques inutiles où règnent la bêtise, la vanité et la pédanterie, le plus souvent sous la forme d'une pléthore "d'installations" et de "performances" égocentriques plus hideuses encore qu'inutiles. 

Le problème principal d'une telle démocratisation de l'art ne réside pas, comme le pensent généralement les contempteurs réactionnaires des technologies de l'information, dans le média électronique lui-même, même si celui-ci en a été un des vecteurs les plus dynamiques, mais dans le fait que nos évaluations morales et métaphysiques continuent de mettre l'homme, l'individu atomique et démocratique moderne, au centre de nos préoccupations principales, et qu'ainsi l'expansion de l'outil extropique de navigation et de connaissance qu'est le micro-ordinateur n'a produit jusqu'alors, dans la sphère de l'art multimédia reconnu comme tel, que très peu d'œuvres pertinentes et durables.

A bien des égards, l'industrie capitaliste du jeu vidéo s'est montrée beaucoup plus innovatrice, et bien plus cohérente sur le plan de la recherche formelle.

C'est donc dans l'industrie populaire, l'industrie pop, que tout art démocratique a une chance substantielle de produire du sens. 

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations, Journal Métaphysique et Polémique 1999, Éditions Gallimard, collection Folio, 2000, p.156-158.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire